Sebmagic | La peur que les souvenirs disparaissent |
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L'autre jour, sur le forum, on a très brièvement abordé le sujet de la mort. J'ai eu du mal à expliquer ce qui me faisait peur dans l'idée de la mort, mais j'y ai pas mal réfléchi et j'ai trouvé une réponse plus claire : j'ai globalement une peur des souvenirs effacés ou disparus.
Je ne sais pas si cette phobie porte un nom mais je pense que j'en suis atteint. D'aussi loin que je me souvienne, les souvenirs ont toujours eu une importance capitale pour moi, et le sentiment de nostalgie est le sentiment qui régit ma vie. Je collectionne les souvenirs, je vis pour les souvenirs. Une vidéo d'enfance est pour moi plus précieuse que n'importe quoi. La mort de mes proches m'effraie, non parce qu'ils n'existeront plus, mais parce que les souvenirs qu'ils partagent avec moi disparaitront. Ma propre mort m'effraie, non parce que je ne serai plus là, mais parce que mes souvenirs ne seront plus là. Une grande tristesse me traverse à l'idée de ces milliards de souvenirs de milliards de gens qui ont disparu au fil des siècles et des millénaires. Par exemple, j'ai des souvenirs en commun avec ma sœur, que personne d'autre n'a. Ca me rassure que ma sœur soit toujours disponible pour partager ces souvenirs, ça me rassure de savoir que quelqu'un d'autre puisse avoir en tête cette exacte même sensation, celle d'un événement vieux de plus de 10, 20, 30 ans. Si ma sœur venait à partir, ça créerait en moi un vide du point de vue des souvenirs. Il ne resterait plus que moi pour les garder vivants. Et quand je ne serai plus là, ils seront perdus à jamais. Et s'il ne s'agissait que de souvenirs communs, partagés avec les autres, ça serait gérable, mais il est surtout question de mes propres souvenirs, ceux que je suis seul à posséder. Ceux-là ne tiennent qu'à un fil...! J'ai une tendance à vouloir archiver mes souvenirs, j'écris des carnets de souvenirs, je poste sur mon blog tous mes avis sur les films que je vois mais surtout sur les émotions que j'ai pu avoir, parce que ça me rassure. Ca me donne l'impression que, si ces souvenirs sont consignés quelque part, alors ils existeront toujours. Je veux que dans 100 ans, il existe toujours une trace des larmes que j'ai eues devant tel film, ou de cette odeur de fleur que j'ai sentie lorsque j'avais 12 ans et qui apparaît parfois comme ça dans ma vie, sans aucune raison. J'ai même le projet fou (et presque irréalisable) d'écrire un livre avec l'intégralité de tous mes souvenirs entre 0 et 35 ans. Vraiment tous, ou quasiment. Et si j'ai de la chance, je referai la même chose dans un Tome 2 pour les 36-70 ans. C'est comme un besoin, je ne sais pas l'expliquer. Ecrire ce topic en fait partie : j'ai besoin que cette émotion qui me traverse ce soir soit archivée quelque part, avant qu'elle ne se dissipe. Parfois j'ai la certitude que j'aurai la maladie d'Alzheimer un jour. Ma grand-mère en a eu une forme, ma mère passe un peu par là... il y a de grandes chances que je n'y échappe pas. Mais cette certitude, ce n'est pas une inquiétude que j'aurais développée depuis le décès de ma grand-mère il y a 8 ans, non. C'est une certitude ancrée en moi depuis tout petit, comme si cette maladie était déjà en moi et que cette phobie de perdre mes souvenirs en était une manifestation précoce. C'est très perturbant. Désolé pour ce pavé, mais il fallait que ça sorte quelque part. Accordez-vous une importance au passé et aux souvenirs ? Gardez-vous beaucoup de "reliques" ?
Contribution le : 16/09 23:06:41
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deepo | 1 #2 |
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@Sebmagic Je ne suis pas un gros fan de la métaphysique, je trouve "absurde" de se poser des questions auxquelles nous n'auront jamais de réponses. Mais ca, c'est moi! Je préfère le réel!
Néanmoins, au delà de ta peur de disparaitre, moi je vois un désir de (se) transmettre [c'est là que je peux me tromper et que mon raisonnement deviendra caduc] et que je vais surtout poser des questions. Internet nous offres des possibilités, je ne sais pas si elles dureront, mais déjà, "vol au dessus du 7eme art" est là! T'as familles? Evidemment que tout cela se perdra! Mais j'ai cru comprendre un truc: Si je ne me trompe, tu es prof de math. Est ce que tu pense à tout ces élève dont tu as tracé la voie? La transmissions? Comme moi j'ai transmis les enseignement de mon prof d'éco/so? Tes souvenirs disparaitrons avec toi! C'est un fait........ Mais toutes ces petites graines? C'est pas un peu du sebmagic? Même à moi, indirectement, avec t'es critique et en "volant au dessus du 7eme art", (sans y participer) tu m'as ouvert des portes de compréhension. "Connaitre le nom des réalisateur", "comprendre les effet du cinéma", "me délecter de t'es vidéos (notamment les larmes au cinéma et surtout le regard facecam. Qui pour moi a était un must have!)"...Et d'autres plus subtiles. J'en ai parlé a ma sœur, je lui ai tout montré. Et je sais qu'elle ne l'oubliera pas, et les montrera à son tout jeune fils. (Et si c'est pas elle, c'est moi qui le ferais). Ca peut paraitre insignifiant, mais entre tout ces koreusien et moi, tout ces commentateurs de ton blog (qui sont d'anciens élèves pour certain, j'ai vu!). Avec tout ca, tu es immortel. Je ne peux pas en dire plus pour tes souvenirs, car je ne les connait pas et je te conseille (pour ma part) de ne pas les mettre sur le net, mais je me demande une choses, si tu repousse ton livre depuis si longtemps 2 possibilités: -Ecrit les et tu sera déçus. -ne les écrits pas et tu seras surtout très déçus. J'aurais tendance à dire écrit les! Au pire ca n'intéresse personne. Fin de L'histoire. Signé un fan! Figure toi, que je connait un prof de math fan de film, qui m'a aidé dans ma compréhension des films (dommage que ce soit pas en math) dont je parlerais à mon petit neveux! "J'ai vu tant de chose que vous humain ne pourriez pas croire" extrait de Blade Runner Il faut voir ca avec le sourire.
Contribution le : 17/09 00:18:16
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Sebmagic | 1 #3 |
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C'est gentil tout ça !
Je vois que tu fais un lien entre souvenirs et transmission... C'est potentiellement lié, oui, peut-être ai-je envie de transmettre. Après tout ce n'est pas pour rien si je suis prof et que j'adore ça. Dans mon post initial je parlais surtout des souvenirs en tant que tels plutôt que de la transmission de savoirs ou de passion, je parlais des scènes qui sont dans ma mémoire et auxquelles seul moi ai accès. Le jour où on pourra numériser ses souvenirs en .mp4, je serai comme un dingue. Ca signifiera qu'ils ne pourront plus disparaître, ou en tout cas moins facilement. Il faut que je réfléchisse au rapport avec la transmission. Pour l'écriture de tous mes souvenirs, je n'ai absolument pas prévu de partager ça sur le net, c'est clair. C'est quelque chose pour moi, mais... pas seulement ? Je pense qu'au fond de moi c'est aussi quelque chose pour mes enfants, ou pour je-ne-sais-qui qui tomberait par hasard dessus dans 200 ans, au fond d'un vieux grenier. Il y a donc quand même l'idée de la transmission. C'est intéressant.
Contribution le : 17/09 00:54:38
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deepo | 0 #4 |
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Malheureusement, je crois que nous vivons une époque charnière. Nous ne pourrons pas avoir accès au .MP4, Mais peut être que le .MP10 le pourra.
Dans ma famille, mon grand oncle avait écrit des cahiers (l'arrière grand père de mon oncle). Je crois que pour le moment, c'est la façon la plus simple de raconter ses souvenirs. Ces livres sont toujours en notre possession!
Contribution le : 17/09 01:51:06
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Baba-Yaga | 1 #5 |
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@Sebmagic
Citation : Ma propre mort m'effraie, non parce que je ne serai plus là, mais parce que mes souvenirs ne seront plus là. C'est marrant. Tu considères qu'une fois mort tu te rendras compte que tes souvenirs sont morts aussi ? Quelle est ta vision de la mort ? Quelque chose se passe après, tu es toi (dans ce cas pourquoi ne pas avoir de souvenirs qui te sont propres), tu n'es pas toi (donc aucun problème si pas de souvenir), il n'y a plus rien (donc le souvenir reste aux survivants). Pour moi, Alzheimer est une mort en soi. C'est pour cela d'ailleurs que ce n'est pas juste d'écrire : Citation : Ma grand-mère en a eu une forme, ma mère passe un peu par là... il y a de grandes chances que je n'y échappe pas. Tu souffres de la maladie ou c'est autre chose (démence sénile par ex.). Alzheimer ce n'est pas que la perte de mémoire, c'est tout ton corps qui t'échappe, ton cerveau ne peut plus gérer le fonctionnement de ton corps. C'est comme dire "il fait une petite dépression", non, soit il fait une dépression et c'est grave soit il est déprimé, faut faire la différence. C'est très bien d'écrire. Moi j'ai un carnet que j'ai appelé "ma mémoire", mais j'y mets que les moments clés de mes vacances ou de moments importants vécus (comme la naissance de mon fils). Plus on vieilli, plus les souvenirs se troublent et parfois ils se confondent avec d'autres. Peu importe la forme de ton livre, même si c'est un simple copier-coller de tes écrits, tu seras toujours content de les avoirs. Tout comme les photos, faut pas hésiter à les imprimer, même si elles restent dans une boite, ce sera l'héritage de tes souvenirs.
Contribution le : 17/09 12:04:58
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Wiliwilliam | 3 #6 |
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La loi c'est moi
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Citation :
On fait pareil avec ma femme mais à travers pleins de petits trucs et bidules en papier, au moins un par mois (poèmes, origami, escape game, jeux de piste, dessin). Et on met la date dessus + des souvenirs du mois. On a une grande malle dans laquelle on les met tous. ça fait vraiment coffre aux trésors. Un genre de malle comme ça:
Contribution le : 17/09 12:24:48
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>> Récompenses si tu passes en article << |
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Sebmagic | 0 #7 |
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Citation :
Pas du tout. Étant mort il n'y aura plus rien (selon ma vision) donc je ne ressentirai plus rien et je ne serai pas conscient de ça. Mais aujourd'hui, à l'heure où je parle, j'en suis conscient et ça m'effraie aujourd'hui. Citation :
Alzheimer prend différentes formes et je sais très bien quels en sont les effets puisque, je le répète, ma grand-mère en a été atteinte durant la dernière année de sa vie, qui effectivement n'était plus une vie. Après, il est possible que je me trompe mais c'est ce qu'avaient diagnostiqué les médecins : un sous-genre d'Alzheimer. Mais peut-être que je me trompe dans la dénomination. Je ne suis plus sûr du nom exact, peut-être était-ce la maladie de Lewy.. À la fin il n'y avait plus rien : plus de mémoire du tout (court terme comme long terme), plus de déplacement, plus de langage clair, et présence d'hallucinations visuelles et auditives. Pour ma mère, je vois de nombreux signes avant-coureurs, c'est tout. Elle a de lourdes pertes de mémoire et est sujette aux hallucinations visuelles. Mais t'as raison, je n'ai encore aucune certitude pour elle ni pour moi. Je ne prends pas cette maladie à la légère je t'assure. C'est juste un mauvais pressentiment ancré en moi.
Contribution le : 17/09 12:48:23
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Baba-Yaga | 0 #8 |
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@Wiliwilliam
Elle est super classe cette malle.
Contribution le : 17/09 13:09:27
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JCM77 | 0 #9 |
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Intéressant tous ces points du vue.
Pour ma part, je conserve beaucoup de choses. C'est toujours marrant à ressortir de temps en temps. Par exemple ma Game Boy de 30 ans, des cassettes audio, des cours du lycée, des vieux T-Shirt. Je ne peux pas m'en débarrasser de mon vivant. Par contre, béni soit le jour où je mourrai ! Fini tout ça, finies les emmerdes, finis les tracas, fini le réveil le matin, etc... et finis les souvenirs ! Jusqu'aussi loin que remonte ma mémoire, je peux affirmer je pense aux autres avant de penser à moi. Ma Mort, elle sera Mon Moment à Moi, rien qu'à moi. Vraiment, et ce n'est pas malsaint, ni une dépression, ni quoi que ce soit, vraiment, j'ai hâte que la Mort vienne me choper. (je n'ai pas dit que la provoquais ...)
Contribution le : 17/09 13:19:10
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Sebmagic | 0 #10 |
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Citation :
C'est trop bien, ça donne envie plutôt que tous mes sacs et carnets.
Contribution le : 17/09 13:25:27
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Vassili44 | 0 #11 |
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Salut,
Je pense que je vais être un peu à côté, mais ce que tu dis me parle beaucoup par rapport à certains aspects de ce que je traverse et que j'ai eu à traverser. Tout d'abord, tu as une peur profonde apparemment et ta façon de l'exprimer correspond très exactement à la façon d'exprimer une peur profonde que j'ai également (ou ai eu plutôt) qui était de devenir fou. Je te passe les détails, mais j'ai vécu mon enfance avec cette peur qui planait sur moi et plus j'avançais dans le temps, plus elle semblait sur le point d'arriver, même si j'ai connu des moments de répits. Et puis finalement, cette peur s'est réalisée... au point où j'ai fini à l'hp où je prévoyais finir en case finale. Seulement, je ne suis pas passé par la folie, mais plutôt par mon idée de la mort. J'ai eu à réfléchir pour savoir pourquoi j'avais cette peur et en fait j'ai découvert que c'était une peur qui m'a été transmise, le genre de peurs "transgénérationnelles". Avant cela, je ne prêtais pas trop attention à ce type de peurs qui se transmettent de génération en génération, mais force est de constater que c'est ce qui s'est passé ici. Et le pire, c'est que cette peur devient concrète généralement, d'une façon ou d'une autre, ce qui lui donner plus de poids et où elle apparait comme une malédiction. Quant aux souvenirs, ils sont chargés d'émotion et dans le processus de deuil - car ça semble lié directement à ce que tu décris - si des émotions sont restées en arrière, non vécues, alors le souvenir ne peut s'effacer. On reste accroché à lui, comme on reste accroché à certaines pensées, certains comportements dont on ne peut se défaire, car ils renferment quelque chose de précieux, un morceau de nous qui est resté en arrière. Souvent ce "quelque chose" est l'enfant que nous avons été. Il n'y a pas qu'un enfant, il y a plusieurs enfants si je puis dire qui sont "cristallisés" dans cette capsule du souvenir en gros. Ce fil est justement ce lien entre le nous du présent et l'enfant qui est resté en arrière. On ne peut pas abandonner le souvenir, puisque c'est lui qui maintient ce lien, tant que l'on aura pas vécu l'émotion de l'enfant bloqué. Ce qui est surprenant dans ce travail ou cette quête, c'est ce qu'on y découvre, comme le fait que l'on a souvent peur d'un état dans lequel nous sommes pourtant... ---- Je crois aussi que ce que tu as c'est ce qui pousse les écrivains à écrire sur leur enfance (voire à écrire tout court..). Il faut quand même une certaine force assez puissante pour faire remonter avec précision des souvenirs aussi lointain je trouve. L'écriture permet de ne jamais vraiment mourir car ce que l'on a vécu revit à travers les lecteurs. C'est sans doute la forme de transmission que tu pourrais rechercher et qui correspondrait à ce besoin qui se manifeste ainsi. J'ai aussi ça et je fournis beaucoup d'efforts pour rechercher des moments précis de ma vie. Je n'ai pas autant le besoin que tu as de le partager avec mes proches et cette lacune (du fait de ne pas le partager avec des personnes ayant vécu exactement ce que j'ai vécu) en fait une force, puisque ça me force à devoir être très précis dans mes choix de mots afin que l'autre ressente bien ce que j'ai pu ressentir, comme s'il y était.
Contribution le : 17/09 18:08:33
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JuliendeLyon | 0 #12 |
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@deepo
Je rejoins ton idée ! Après d'un point de vue technologie des choses se débloque notamment du côté de la blockchain et des cryptomonnaies je pense à Ternoa par exemple qui délivre des données et/ou possession à une certaine date donnée. A plus
Contribution le : 23/09 02:05:11
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Stock_a_sticks | 2 #13 |
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Pour résumer ce qui suit : le souvenir permet de tenir la mort à distance tout en donnant du sens à notre existence. Tout ce que contient un souvenir correspond à une partie de ce que nous avons été par le passé et influe sur ce que nous sommes dans le présent, il y a donc une logique à donner de l’importance à nos souvenirs.
Le souvenir est pour moi l’expression d’un besoin fondamental qui concerne tous les humains : le besoin viscéral de donner du sens et de la valeur à l’existence. Le souvenir, c’est la caution existentielle qui nous permet de réaffirmer le bien fondé, la validité, la réalité de notre existence. C’est pour cette raison que nous avons une tendance assez naturelle à nous raccrocher à des souvenirs, à vouloir les partager ou les conserver par divers moyens. Le souvenir heureux que l’on se plaît à se remémorer ou à raconter constitue une sorte de preuve tangible que notre existence a un sens positif. Qu’elle a servi à quelque chose, qu’elle n’a pas été vaine. Espérer ne jamais oublier les bons souvenirs, c’est reconnaître le sens qu’ils revêtent pour expliquer la personne que nous sommes et l’existence que nous menons. En quelque sorte, ils nous donnent une valeur intrinsèque. Les bons souvenirs font de notre existence un bon moment. Agréable. Qui valait la peine d’être vécu. Au contraire, nous refoulons des souvenirs malheureux pour éviter d’associer notre parcours de vie à des moments douloureux qui questionnent sur le sens de notre être au monde. La souffrance est d’ailleurs un des moteurs principaux des doutes existentiels. On est plus enclin à l’introspection et au questionnement métaphysique quand on traverse une forme de souffrance, parce que fondamentalement, on se demande pourquoi on souffre, et on n’en comprend pas trop l’intérêt ontologique. C’est d’ailleurs, à mon avis, une des raisons pour lesquelles certaines théologies ou philosophies s’emparent de l’idée de souffrance pour l’intégrer à leur schéma d’élévation éthique, morale ou spirituelle. Bien sûr, tous les souvenirs malheureux ne sont pas refoulés, et on donne aussi un sens à notre existence à partir de ceux-ci. Craindre la disparition d’une personne avec qui on partage un souvenir unique, c’est refuser l’idée effrayante que ce souvenir n’avait finalement aucun sens ni aucune importance, et donc refuser l’idée que tout ou partie de notre existence puisse être absurde. Quand la seule personne dépositaire d’un souvenir commun disparaît, nous nous retrouvons face à notre propre finitude. Une sorte de vacuité de l’existence peut alors nous submerger. S’attacher à des souvenirs, c’est aussi un processus permettant de se rattacher à une raison logique d’avoir existé. Le souvenir nous rattache à une réalité sensible dont nous sommes le produit. Il constitue une trace de la chaîne logique qui a mené à notre personne. Le souvenir est donc, par essence, ce qui donne un sens logique à la personne que nous sommes. Sans lui, nous perdons une partie de notre essence. C’est d’ailleurs à cet égard que la perte des souvenirs ou la confusion dans ceux-ci peut être une source de souffrance ou d’angoisse. Perdre ses souvenirs, c’est perdre son identité, tout sa raison d’avoir existé, puisque c’est la seule chose qui nous rattache à une réalité tangible, bien plus que les biens matériels ou les relations sociales. La perte du souvenir, c’est l’effacement page par page de l’exemplaire unique d’un livre qui a effectivement été écrit, mais qui disparaît. Chaque page disparue est une destruction partielle du sens du livre. Quand la dernière page est effacée, c’est comme s’il n’avait jamais existé. Rapporté à l’être humain, ce constat est générateur d’angoisses. Nous pouvons aussi relever un paradoxe dans le souvenir : il est à la fois la preuve indéniable de notre existence, donc une preuve de vie, et la preuve que nous disparaissons progressivement. Il incarne une réalité passée, achevée, qui n’existera plus jamais quand bien même nous tenterions de la reproduire. D’où la nostalgie : ressentir de la mélancolie à l’évocation d’un souvenir, c’est avoir plus ou moins conscience qu’on ne revivra pas ce qu’il contient. L’expression « garder un souvenir vivant » est d’ailleurs amusante en ce qu’elle a de paradoxal : d’abord parce qu’un souvenir n’est ni vivant ni mort, c’est juste une projection propre à chaque individu, ensuite parce que le souvenir est une incarnation de la mort. Vouloir garder un souvenir vivant, c’est vouloir s’accrocher à une permanence illusoire de ce qui a existé. La plupart des êtres humains ont ce réflexe commun, celui de s’agripper à l’espoir d’une permanence de l’être : ce processus permet de fuir la question insoluble de la mort et du sens qu’elle revêt dans notre existence. Si la mort, qui est la conclusion universelle de notre existence, n’a pas de sens, alors quel sens notre existence a-t-elle bien pu avoir ? Il peut sembler incompatible de parvenir à une conclusion absurde si tout le cheminement qui la précède est sensé. Sans le soutien rassurant d’un mysticisme ou d’une spiritualité, comment gérer cette incompatibilité ? Comment faire face au vertige de notre incapacité à conceptualiser la mort ? Le souvenir permet de pallier au moins partiellement cette angoisse. Certes, je suis incapable de donner un sens précis à la mort (si je ne suis pas mystique), mais je sais que j’ai existé, je sais que j’ai vécu tel ou tel moment, connu telle ou telle personne, et ces souvenirs précis me donnent nécessairement un sens. Au fond, nous sommes toutes et tous un peu décontenancés voir effrayés par cet illogisme absolu et indicible qu’est la mort : nous avons besoin de tout et son contraire pour la rendre moins inquiétante. Le moindre de nos actes est guidé par le besoin de repousser la mort et ce qu’elle a de vertigineux. Le souvenir est l’un de ces moyens, alors qu’il est paradoxalement lui-même un avatar de la mort. Voilà comment je vois les souvenirs. J’ai probablement d’autres idées sur la question, mais c’est déjà assez long comme ça. Pour répondre à ton autre question, je fais aussi partie des personnes qui conservent des traces du passé à travers des objets qui ont du sens pour moi. La plupart de ces objets n’ont absolument aucune autre valeur que celle que je leur donne : ils portent en eux le souvenir d’une rencontre ou d’un être aimé. J’ai déjà eu envie à plusieurs reprises de noter le contexte de chacun de ces objets, car j’ai constaté que j’oubliais parfois certains détails, mais je ne l’ai pas encore fait. Je pense que ça viendra un jour, aussi parce que quand je vieillirai (si je vieillis !), je crois que j’aurais envie de transmettre ces objets à quelqu’un de proche, et j’aimerais que cette personne soit en mesure de comprendre au moins partiellement l’histoire que tout ce micmac raconte de moi et de ma vie. En ce qui te concerne, si tu ressens l’envie d’écrire, je ne peux que te conseiller de le faire. Peu importe que tu aies déjà une forme définie en tête ou que tu couches aléatoirement des idées sur des bouts de serviettes en papier, l’important c’est de lancer le mouvement. Le reste viendra progressivement. L’écriture est un exutoire extraordinairement puissant. Et qui sait, peut-être que nous pourrons lire le Tome 1 des mémoires de Sebmagic dans quelques années, et que ce livre deviendra un incontournable des récits de vie du XXIe siècle. Tant d’autres l’ont fait auparavant, pourquoi pas toi. D’autant que ton approche a quelque chose d’original que je n’ai encore jamais lu.
Contribution le : 28/09 03:24:40
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Sebmagic | 0 #14 |
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@Stock_a_sticks
Je ne sais pas comment tu as fait. Le texte que t'as écrit me laisse totalement abasourdi tant il est bien construit, rédigé à la perfection et surtout, décrit avec exactitude tout ce que je ressens à ce sujet. C'est très étrange de commencer une journée avec un texte comme ça, j'en suis bouleversé de stupéfaction.
Contribution le : 28/09 10:56:17
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Vassili44 | 0 #15 |
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@Stock_a_sticks,
Merci pour ton texte d'une qualité rare ! J'écris sur mon enfance, notamment des moments de souffrance, pour donner sens à ce que j'ai vécu. Si ce que j'ai vécu fait écho au vécu de quelqu'un (ou pas), exprime ce qu'il aurait voulu exprimer, j'ai l'impression que je redonne de l'existence à ce qui n'existe finalement plus. Ça redonne du sens à la mienne en tout cas. La vie est absurde (?) mais nous devons vivre comme si elle ne l'était pas. La souffrance m'enlève des bouts d'existence et pourtant, de ce trou béant, elle recrée une nouvelle existence, comme plus "pure", plus simple, dépourvue des attentes premières, donc plus authentique si je puis dire.
Contribution le : 28/09 18:42:08
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Stock_a_sticks | 2 #16 |
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Merci à vous. J'ai partagé mon regard sur ce sujet qui m'interroge depuis longtemps. Et j'ai passé du temps à rédiger mon message pour le rendre aussi clair et précis que possible, parce que le sujet est vaste et parce que je voulais partager une réponse claire.
Je ne crois pas que la vie soit absurde dans l'absolu. Je crois que son absurdité dépend du référentiel que nous nous donnons. Même une vision athée et cartésienne de l'existence peut lui donner un sens qui dépasse l'apparente absurdité de la mort : on peut par exemple adhérer à l'idée que nous venons de poussières d'étoiles et que nous redeviendrons des poussières d'étoiles. En d'autres termes, que nous ne sommes qu'un amoncellement d'atomes qui préexistaient de manière indépendante et qui, une fois mort, se sépareront et existeront à nouveau en toute indépendance ou reformeront d'autres dépendances. On peut aussi adhérer au Sisyphe heureux de Camus : il n'y a plus d'absurdité, nous sommes façonnés par des circonstances qui échappent à notre volonté, et nous pouvons y trouver un véritable bonheur à condition de se redéfinir en fonction de ces circonstances imposées. On me condamne à échouer dans une activité pour l'éternité ? Très bien, le sens de mon existence ne dépendra donc plus de l'échec à remplir un objectif, mais de la réalisation de l'action en elle-même. Je peux donc continuer à être dans un référentiel qui donne une logique à mon existence, et j'en suis heureux. Mais finalement, doit-on vraiment donner ou redonner du sens à notre existence ? Et puis, que signifie exactement le fait de "donner du sens" ? Ne pouvons-nous pas nous contenter de savoir qu'on existe au milieu d'autres existences et que c'est déjà beau ? Doit-on vraiment chercher à se donner une unicité bien illusoire dans un univers tellement vaste et tellement riche que nous n'en sommes qu'une infime expression ? Une fugace performation ? Vous avez
Contribution le : 12/10 01:10:13
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Vassili44 | 0 #17 |
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@Stock_a_sticks,
J'ai eu le bonheur ou le malheur d'étudier à fond ce sujet précisément. Car ma vie en dépendait littéralement. Avant de répondre à une question, il faut savoir ce qui nous amène à nous la poser. Parce qu'il se peut bien que la réponse ne soit pas dans la réponse à la question que l'on pose, mais plus au mouvement qui initie cette quête dont la question est le premier pas. Quand on se demande pourquoi la vie est absurde ? Avant de se poser cette question, à laquelle on n'attend d'ailleurs pas forcément de réponse, on cherche avant tout à comprendre le sens de notre mal-être soudain. Et ce sens, je peux le dire avec une certitude quasi absolu : tu revis un épisode du passé que tu as oublié (ou pas). Voilà ce qui se passe. Donner du sens à l'existence ce n'est pas, à mon sens, répondre à des questions, mais comprendre le mécanisme qui fait que l'on s'en pose, comprendre le mal-être qui engendre les questions existentielles. Je trouve souvent la vie absurde, mais souvent je ne la trouve pas, dans le sens où je ne me demande pas si elle l'est ou si elle ne l'est pas. Pourquoi tout d'un coup je me le demande ? Qu'est-ce qui se passe ? C'est là qu'il faut chercher. Si j'étais Sisyphe, je ne changerais pas ma pensée, mais j'irais au bout de mon malheur, je le pleurerais jusqu'à temps qu'il n'y aurait plus de larmes, jusqu'à temps que toutes mes plaintes aient été vidées de colère, de rancune... et de tristesse. Et une fois que cela serait passé, quelque chose émergerait, sans doute de la joie, car je crois que la joie est l'état naturel. Pour moi Sisyphe heureux c'est Sisyphe qui ne peut plus rien faire d'autres que d'être heureux, puisqu'il s'est allégé de toutes ces émotions qui le pesait. La montagne, le rocher, ce sont des symboles à mon sens, des interprétations d'anciennes souffrances. On pense qu'il est malheureux et qu'il ne peut que l'être parce que l'on entrevoit autre chose pour lui, de notre point de vue. Mais pour avoir été conditionné très jeune à l'absence d'un destin personnel, je peux vous dire que le pire, ce n'est pas ce que l'on ignore, mais ce que l'on sait que l'on aurait pu devenir en sachant qu'on ne le deviendra jamais. Sisyphe malheureux, c'est Sisyphe qui pense et croit qu'il pourrait faire autre chose de sa vie. On est malheureux non pas parce que qui est, mais parce qui aurait pu être, par comparaison. Penser que sa vie est absurde, c'est aussi penser qu'elle aurait pu ne pas l'être, c'est nourrir un regret, souvent mal défini : on sait que quelque chose aurait pu/dû être différent, mais ça ne l'a pas été. Et notre malheur nous viendrait que l'indicible réalité n'a pas été autrement que ce qu'elle a été... Quand Camus parle de cet absurde, il me laisse toujours penser qu'il tenait quelque chose de son passé, mais qu'il n'arrivait pas à le définir clairement. Vu que j'ai pas mal lu sur l'enfance... je me doute de ce passé qui lui donne plus tard des idées d'absurde et lui inspire ses textes, à mon avis.. S'il y a bien une chose que tout ceci m'aura appris, c'est que nous ne souffrons pas de nos idées, de nos pensées, mais de notre vécu.
Contribution le : 12/10 18:01:08
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Stock_a_sticks | 1 #18 |
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Je m'installe
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Tout à fait, il faut comprendre la cause plutôt que s'intéresser au symptôme. Et comme tu le dis très bien, la réponse à la question dans les cas de souffrance existentielle est en fait l'explication du symptôme, mais pas le traitement de la cause. Il faut ensuite aller bien plus loin. C'est ardu et très déstabilisant. Mais quand on y parvient, quelle libération !
En ce qui concerne l'allégorie du Sisyphe camusien, je partage ton regard mais j'y ajoute une nuance : je ne crois pas que Sisyphe ait changé sa pensée. Je pense simplement qu'il est arrivé à une bifurcation et qu'il a dû faire un choix. Dit autrement, ce n'est pas qu'il ne peut plus rien faire d'autre, c'est qu'il choisit d'être heureux plutôt que de se suicider quand il fait face à la seule alternative qui lui reste. Selon moi, il a toujours le choix, même dans la fatalité. On pourrait même dire en réalité qu'il lui reste 3 choix : 1) le suicide, 2) continuer à rouler la pierre et subir éternellement cette réalité, 3) continuer à rouler la pierre et en tirer tout le bonheur possible tant que ça durera quitte à ce que ce soit éternel. On voit donc que Sisyphe a fini par faire un choix dans ce qui s'apparentait à une absence de choix. L'homme absurde dit oui et son effort n'aura plus de cesse. S'il dit oui, c'est bien qu'il accepte une chose, et en délaisse une autre. S'il n'y avait rien à faire d'autre, il n'aurait pas besoin de dire oui. Il serait contraint, par la force des choses, de faire cette seule chose qui lui reste à faire. Par conséquent, je ne pense pas qu'il faille aller au bout du malheur (je ne sais même pas si c'est possible), je ne crois pas non plus que la joie soit l'état naturel. L'état naturel est l'expression d'une dualité indépassable à mon avis : la joie n'a pas d'existence propre sans la souffrance. Ces deux réalités sont nécessairement et essentiellement liées de manière inextricable. On fait le choix de la joie, ou on fait le choix du malheur. Parfois un peu des deux. Mais on n'est pas forcé d'aller dans l'un ou dans l'autre. Je trouve ton regard intéressant car il exprime probablement ton parcours, c'est-à-dire ce besoin d'aller au bout du malheur pour parvenir à t'alléger. Mais je ne crois pas que l'on puisse réellement aller au bout d'une quelconque émotion. Je crois qu'à un moment ou à un autre, on fait un choix ou un non choix qui conditionne la suite. On pense peut-être être allé au bout, mais comment savoir qu'on y est réellement allé ? D'autant que dans ma compréhension de cette expression, aller au bout signifie vivre quelque chose dans son absoluité. Si une émotion ne peut exister sans son contraire, cela signifie qu'il ne peut exister une absoluité des émotions. Par conséquent, on ne peut pas aller au bout du bonheur ou du malheur. Naturellement, je ne souhaite pas invalider ton propre parcours. Mais si je devais me risquer à en parler d'après ce que tu as dit, je dirais plutôt que tu es arrivé à une limite personnelle, ce que tu appelles "aller au bout", et qu'en atteignant cette limite, tu as fait un choix : celui de voir la joie émerger après toute cette tristesse insupportable. Camus commence son essai avec ce propos que je trouve magnifique : Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie. Pour moi, ces deux phrases résument tout de l'existence. D'un point de vue ontologique, il n'y a effectivement aucune autre alternative plus essentielle que celle-ci. D'un point de vue logique, cette alternative incontournable est aussi l'expression de la logique duale de l'existence : nous avons toujours un choix à faire, fut-il entre la peste et le choléra. Je trouve aussi intéressant ta phrase : Mais pour avoir été conditionné très jeune à l'absence d'un destin personnel, je peux vous dire que le pire, ce n'est pas ce que l'on ignore, mais ce que l'on sait que l'on aurait pu devenir en sachant qu'on ne le deviendra jamais. D'abord, que signifie pour toi le fait d'avoir un destin personnel ? Il me semble impossible de ne pas avoir de destin personnel puisque par définition, s'il est personnel, c'est qu'il concerne notre personne, et si c'est un destin, c'est qu'il est autoréalisateur. Donc quoi que tu fasses, l'ensemble de tes choix de vie constituera ton destin personnel. Ou alors tu y mets une autre signification ? Ensuite je trouve intéressant que pour toi, le pire de la souffrance correspond à la projection dans une potentialité qui n'a jamais abouti. Tu dis en substance que si on souffre, c'est parce qu'on sait qu'on aurait pu ne pas souffrir : pour reprendre un terme que tu as employé, souffrir signifie regretter. Mais on peut aussi voir cette logique comme celle de l'espoir : si je sais que j'aurais pu ne pas souffrir, si j'ai un regret car je considère que ça aurait pu être autrement, alors je peux agir de telle sorte que je tende vers ce qui ne me rend pas malheureux. Le malheur serait alors non pas le regret en lui-même, mais plutôt le fait d'acter une souffrance comme immuable. Si elle est immuable, elle est donc indépassable. Si, au contraire, je considère cette souffrance comme actée mais que je refuse son immuabilité, alors j'ouvre la porte à la possibilité de me reconstruire à partir de ce qu'elle m'apprend. Sisyphe malheureux, c'est Sisyphe qui laisse les circonstances dicter ses émotions et son existence. Comme tout humain, il est affecté par des circonstances, mais il choisit (ou fait le non-choix) de voir la conséquence des circonstances comme immuable, ce qui le rend malheureux. Sisyphe heureux, c'est Sisyphe décidant que rien n'est immuable. Pas même la punition d'un dieu.
Contribution le : 13/10 01:42:39
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dylsexique | 1 #19 |
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Je masterise !
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@Sebmagic
Je dirais que c'est une variation de la peur de la mort. En même temps, c'est normal puisque je pense que la mort est la source de toute peur. Ma formule de comptoir : La souffrance face à la perte de quelque chose est proportionnelle au degré avec lequel on s'identifie à la chose en question. On peut s'attacher (s'identifier) à nos possessions, à nos relations, à notre apparence, à nos compétences, à nos activités, à nos idées, à notre personnalité, à nos accomplissements, etc. Tout ça à des degrés variables en fonction des caractères de chacun.e. En suivant cette logique, il semble donc que tu t'identifies fortement aux expériences que tu as vécu. Les perdre (ou perdre quelqu'un qui les partage, ce qui revient un peu au même) c'est comme perdre une partie de toi (de ton identité). Ma second formule de comptoir : La solution pour éliminer l'aversion à la perte d'une chose, c'est de réaliser que cette chose n'est pas toi. Autrement dit, tu n'es pas tes souvenirs. Ils existent indépendamment de toi, et ne t'appartiennent déjà plus D'ailleurs, à bien y réfléchir, aussitôt qu'un souvenir est créé, il n'est déjà plus tien. Tu peux vouloir t'y raccrocher, mais ce lien est une vue de ton esprit, qui est fondamentalement une machine à construire et maintenir une identité (à base de connaissances, de souvenirs, d'images, etc.) et qui fera tout pour s'y agripper. Si tu voyais tes souvenirs comme n'étant pas "à toi", tu aurais déjà logiquement lâché prise dessus. Preuve en est : cette l'infinité de souvenirs humains qui existent hors de toi, et dont tu te soucies peu, car ils ne font pas partie de ton identité. Certes, le fait de savoir que chaque personne meurt en emportant ses souvenirs avec elle t'effraie, mais en fin de compte, tu peux voir que c'est juste par projection avec ta propre situation (puisqu'on s'identifie également à ce qui nous ressemble, et les autres humains et leurs déboires tiennent un place haute sur cette échelle). Il est aussi intéressant d'observer qu'un souvenir n'est, au final, qu'une expérience qui a lieu maintenant. Pour des raisons compréhensibles, on a tendance à le situer dans un passé lointain, ce qui intensifie l'idée de rareté et de fragilité, et donc l'envie de le conserver. Un peu comme on protègerait un vestige. Mais en fait, c'est faux. Le souvenir n'est pas une relique. C'est un phénomène qui se produit maintenant. Une expérience fugace, ni plus ni moins réelle qu'une pensée ou un rêve. On lui prête une valeur particulière, parce qu'on lui prête une réalité qu'il n'a pas. Ou en tout cas, pas plus que tout ce qui constitue le reste de notre expérience présente (elle-même constituée d'un amalgame de constructions mentales en tous genres). — Mais bon, j'avoue que toutes ces considérations phénoménologiques, bien qu'intéressantes, sont plus faciles à comprendre intellectuellement qu'à appliquer en pratique. Alors pour rester pragmatiques, regardons le problème sous un autre angle (celui qui nous intéresse vraiment en tant que créatures luttant pour notre survie) : l'utilité. Pourquoi veut-on conserver quelque chose ? Parce qu'on pense que cette chose nous est "utile", c'est-à-dire qu'elle nous permet de maintenir ou de renforcer notre sens de soi (= ce à quoi on s'identifie). Si on veut conserver un souvenir, c'est parce qu'au fond, on pense qu'il nous sert à quelque chose. Il nous est utile. Mais est-ce vraiment le cas ? Quel rôle imagines tu que tes souvenirs peuvent jouer pour toi ? Contiendraient-ils des réponses à des questions que tu te poses ? Des informations oubliées ou cachées, propices à la survie de "toi" ? Ensuite, tu peux mettre cela en parallèle avec ce qu'ils te coûtent. Combien d'angoisses, d'énergie et d'efforts sont requis pour maintenir des souvenirs qui, au final, n'ont peut-être qu'une utilité marginale dans ta prospérité ? Le ratio coûts/bénéfices est-il toujours valable une fois cette évaluation faite ? Très souvent, ce qui nous empêche de lâcher prise sur une chose n'est pas simplement la valeur perçue de la chose en tant quel telle, mais aussi le refus d'observer ce qu'il nous en coûte de la maintenir auprès de nous. — Pour conclure sur une note plus poétique, je dirais que l'oubli est aussi un cadeau magnifique. Faisons l'expérience de pensée d'un monde dans lequel aucun souvenir ne disparait jamais. Quel enfer ! Il faudrait nécessairement que les vivants héritent des souvenirs des toutes les vies avant eux (qui deviendraient, par identification, "leurs" vies passées). Il faudrait se souvenir de tous nos amours éteints, de toutes nos relations vécues et perdues, de toutes les souffrances traversées, au cours d'une quantité de vies incalculables... Ce serait si lourd pour à porter qu'on en serait paralysés. En un sens, c'est une chance de pouvoir venir au monde libérés de tout fardeau ancestral (si ce n'est quelques instincts), avec une page blanche où tout reste à écrire. Justement, à l'échelle d'une vie, la même idée s'applique : l'oubli, c'est ce qui nous libère de pouvoir faire différemment demain.
Contribution le : 13/10 18:32:37
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Arsenick | 1 #20 |
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J'aime glander ici
Inscrit: 13/12/2006 00:12
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L'humain est comme une chanson : elle meurs quand on ne la chante plus.
Concernant la mort, j'ai vécu une EMI (ou NDE en anglais), de fait la mort ne me fait pas peur, souffrir avant de mourir un peu plus ^^. Je pense que quand on a accepter le fait que la mort et l'oubli sont inéluctable, on le vit mieux. Il vaux mieux ne pas perdre son temps à angoisser pour des choses sur lesquelles on a aucune emprise .
Contribution le : 13/11 18:27:05
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