Invité | Vos poèmes préférés ? |
0 #1 |
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FantômeInvité
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Quels sont vos poèmes préférés ?
Moi il y a : Alphonse de LAMARTINE (1790-1869) Le lac Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, Dans la nuit éternelle emportés sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges Jeter l'ancre un seul jour ? Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière, Et près des flots chéris qu'elle devait revoir, Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre Où tu la vis s'asseoir ! Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes, Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés, Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes Sur ses pieds adorés. Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ; On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux, Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence Tes flots harmonieux. Tout à coup des accents inconnus à la terre Du rivage charmé frappèrent les échos ; Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère Laissa tomber ces mots : " Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours ! " Assez de malheureux ici-bas vous implorent, Coulez, coulez pour eux ; Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ; Oubliez les heureux. " Mais je demande en vain quelques moments encore, Le temps m'échappe et fuit ; Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore Va dissiper la nuit. " Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive, Hâtons-nous, jouissons ! L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ; Il coule, et nous passons ! " Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse, Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur, S'envolent loin de nous de la même vitesse Que les jours de malheur ? Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ? Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus ! Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface, Ne nous les rendra plus ! Éternité, néant, passé, sombres abîmes, Que faites-vous des jours que vous engloutissez ? Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes Que vous nous ravissez ? Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure ! Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir, Gardez de cette nuit, gardez, belle nature, Au moins le souvenir ! Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages, Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux, Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages Qui pendent sur tes eaux. Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe, Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés, Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface De ses molles clartés. Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire, Que les parfums légers de ton air embaumé, Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire, Tout dise : Ils ont aimé ! Alphonse de LAMARTINE (1790-1869) L'automne Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure ! Feuillages jaunissants sur les gazons épars ! Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature Convient à la douleur et plaît à mes regards ! Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire, J'aime à revoir encor, pour la dernière fois, Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois ! Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire, A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits, C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire Des lèvres que la mort va fermer pour jamais ! Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie, Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui, Je me retourne encore, et d'un regard d'envie Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui ! Terre, soleil, vallons, belle et douce nature, Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ; L'air est si parfumé ! la lumière est si pure ! Aux regards d'un mourant le soleil est si beau ! Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie Ce calice mêlé de nectar et de fiel ! Au fond de cette coupe où je buvais la vie, Peut-être restait-il une goutte de miel ? Peut-être l'avenir me gardait-il encore Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu ? Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore Aurait compris mon âme, et m'aurait répondu ? ... La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ; A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ; Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu'elle expire, S'exhale comme un son triste et mélodieux. Victor HUGO (1802-1885) Dans le jardin Jeanne et Georges sont là. Le noir ciel orageux Devient rose, et répand l'aurore sur leurs jeux ; Ô beaux jours ! Le printemps auprès de moi s'empresse ; Tout verdit ; la forêt est une enchanteresse ; L'horizon change, ainsi qu'un décor d'opéra ; Appelez ce doux mois du nom qu'il vous plaira, C'est mai, c'est floréal ; c'est l'hyménée auguste De la chose tremblante et de la chose juste, Du nid et de l'azur, du brin d'herbe et du ciel ; C'est l'heure où tout se sent vaguement éternel ; C'est l'éblouissement, c'est l'espoir, c'est l'ivresse ; La plante est une femme, et mon vers la caresse ; C'est, grâce aux frais glaïeuls, grâce aux purs liserons, La vengeance que nous poètes nous tirons De cet affreux janvier, si laid ; c'est la revanche Qu'avril contre l'hiver prend avec la pervenche ; Courage, avril ! Courage, ô mois de mai ! Ciel bleu, Réchauffe, resplendis, sois beau ! Bravo, bon Dieu ! Ah ! jamais la saison ne nous fait banqueroute. L'aube passe en semant des roses sur sa route. Flamme ! ombre ! tout est plein de ténèbres et d'yeux ; Tout est mystérieux et tout est radieux ; Qu'est-ce que l'alcyon cherche dans les tempêtes ? L'amour ; l'antre et le nid ayant les mêmes fêtes, Je ne vois pas pourquoi l'homme serait honteux De ce que les lions pensifs ont devant eux, De l'amour, de l'hymen sacré, de toi, nature ! Tout cachot aboutit à la même ouverture, La vie ; et toute chaîne, à travers nos douleurs, Commence par l'airain et finit par les fleurs. C'est pourquoi nous avons d'abord la haine infâme, La guerre, les tourments, les fléaux, puis la femme, La nuit n'ayant pour but que d'amener le jour. Dieu n'a fait l'univers que pour faire l'amour. Toujours, comme un poète aime, comme les sages N'ont pas deux vérités et n'ont pas deux visages, J'ai laissé la beauté, fier et suprême attrait, Vaincre, et faire de moi tout ce qu'elle voudrait ; Je n'ai pas plus caché devant la femme nue Mes transports, que devant l'étoile sous la nue Et devant la blancheur du cygne sur les eaux. Car dans l'azur sans fond les plus profonds oiseaux Chantent le même chant, et ce chant, c'est la vie. Sois puissant, je te plains ; sois aimé, je t'envie.
Contribution le : 12/12/2012 12:24
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Invité | 0 #2 |
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FantômeInvité
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T'arrêtes de créer des topics qui puent la merde et qui servent à rien :roll:
Tu cherches quoi ?
Contribution le : 12/12/2012 12:30
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Invité | 0 #3 |
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FantômeInvité
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euh ça pue pas comme topic...
Contribution le : 12/12/2012 12:33
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Invité | 0 #4 |
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FantômeInvité
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Je suis pas très axée poèmes, j'en connais pas des masses, mais j'ai beaucoup aimé celui-ci:
A une passante La rue assourdissante autour de moi hurlait. Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa, d'une main fastueuse Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ; Agile et noble, avec sa jambe de statue. Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan, La douceur qui fascine et le plaisir qui tue. Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté Dont le regard m'a fait soudainement renaître, Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ? Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être ! Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais, Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais ! ________________________________Baudelaire ________________________________Les Fleurs du mal, 1857 Il est court, bref, c'est beau. Après l'avoir analysé je l'ai trouvé encore plus beau
Contribution le : 12/12/2012 12:35
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Compteinutile | 0 #5 |
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Inscrit: 17/10/2010 13:37
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Un bon topic !
Mes préférés parmi les classique (je ne vais pas les quote, c'est trop long non ?) : Baudelaire : Correspondances, mais aussi ceux sur le spleen. Il y en a un qui me fait penser à ceux qui traînent sur le net : Citation :
Victor Hugo : Ce que dit la bouche d'ombre ; Magnitudo Parvi ; Les mages. Je trouve que la quintessence de la profondeur et du rapport à Dieu a été atteint par Hugo avec ces poèmes mais n'a jamais été égalée. Un autre, peut-être moins connu, sur la contemplation, que j'aime beaucoup (à lire dans la Nature, un après midi de printemps) : Citation :
Contribution le : 12/12/2012 12:36
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Invité | 0 #6 |
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FantômeInvité
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Citation :
Contribution le : 12/12/2012 12:37
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Invité | 0 #7 |
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FantômeInvité
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Noems c'est officiel, je t'aime !
PS : Je crois que faut pas trop chercher, c'est Counterstrike
Contribution le : 12/12/2012 13:05
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Undead | 0 #8 |
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Je poste trop
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Donnons une chance à ce topic pour voir. Mais je le déplace dans audio et visuel plutôt. Personnellement, ça sera Charles Bukowski, the genius of the crowd: Citation : there is enough treachery, hatred violence absurdity in the average
Contribution le : 12/12/2012 13:34
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Invité | 0 #9 |
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FantômeInvité
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Je n'y connais rien en poésie, d'ailleurs je n'y comprends souvent pas grand chose, mais je sais qu'il y a un poème en prose de Beaudelaire que j'ai adoré, c'est celui qui ouvre le Spleen de Paris
L’étranger "Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta soeur ou ton frère ? - Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère. - Tes amis ? - Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu. - Ta patrie ? - J'ignore sous quelle latitude elle est située. - La beauté ? - Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle. - L'or ? - Je le hais comme vous haïssez Dieu. - Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ? - J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages !" Charles Baudelaire - Le Spleen de Paris
Contribution le : 12/12/2012 14:03
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Galora | 0 #10 |
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Je poste trop
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De Nerval - El Desdichado
Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé, Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie : Ma seule Étoile est morte, – et mon luth constellé Porte le Soleil noir de la Mélancolie. Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m’as consolé, Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie, La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé, Et la treille où le Pampre à la Rose s’allie. Suis-je Amour ou Phébus ?… Lusignan ou Biron ? Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ; J’ai rêvé dans la Grotte où nage la sirène… Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron : Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée Les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée. Mélancolique, triste et mystérieux... parfait
Contribution le : 12/12/2012 14:42
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Poum45 | 0 #11 |
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Je poste trop
Inscrit: 03/12/2007 23:03
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Citation :
Je ne suis pas franchement branché poésie mais je ne peux que plussoyer
Contribution le : 12/12/2012 14:43
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870621345 | 0 #12 |
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Je suis accro
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Sans être très pointu dans la matière, je lis assez souvent de poésie et mon préféré sera sans doute celui-ci, essentiellement pour sa troisième strophe.
Citation : Elévation Après les Fleurs du mal, c'est un classique, et c'est pas pour rien que ça l'est devenu, c'est d'ailleurs mon recueil préféré. Y a aussi La Bise de Verlaine, pour la 'technique' et la conclusion qui me vient en tête. Citation : La bise Quant au fait de dire que ce topic 'pue la merde'. No comment si ce n'est que j'ai déjà pris plaisir à lire des textes que je ne connaissais pas en moins d'une page.
Contribution le : 12/12/2012 15:23
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Compteinutile | 0 #13 |
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Inscrit: 17/10/2010 13:37
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Élévation ; correspondances ; tous ces poèmes des Fleurs du Mal sont vraiment beaux et prenant.
Je propose ici une autre forme de poème qu'a expérimenté Baudelaire, le pantoum. C'est ici un faux pantoum, mais ça reste très intéressant comme style : faire changer les vers de place dans un ordre régulier pour donner à chaque quatrain, une nouvelle signification. A voir ! Harmonie du soir Voici venir les temps où vibrant sur sa tige Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ; Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ; Valse mélancolique et langoureux vertige ! Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ; Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige ; Valse mélancolique et langoureux vertige ! Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir. Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige, Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir ! Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ; Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige. Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir, Du passé lumineux recueille tout vestige ! Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !
Contribution le : 12/12/2012 19:45
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Invité | 0 #14 |
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FantômeInvité
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Victor HUGO (1802-1885)
Dans le jardin Jeanne et Georges sont là. Le noir ciel orageux Devient rose, et répand l'aurore sur leurs jeux ; Ô beaux jours ! Le printemps auprès de moi s'empresse ; Tout verdit ; la forêt est une enchanteresse ; L'horizon change, ainsi qu'un décor d'opéra ; Appelez ce doux mois du nom qu'il vous plaira, C'est mai, c'est floréal ; c'est l'hyménée auguste De la chose tremblante et de la chose juste, Du nid et de l'azur, du brin d'herbe et du ciel ; C'est l'heure où tout se sent vaguement éternel ; C'est l'éblouissement, c'est l'espoir, c'est l'ivresse ; La plante est une femme, et mon vers la caresse ; C'est, grâce aux frais glaïeuls, grâce aux purs liserons, La vengeance que nous poètes nous tirons De cet affreux janvier, si laid ; c'est la revanche Qu'avril contre l'hiver prend avec la pervenche ; Courage, avril ! Courage, ô mois de mai ! Ciel bleu, Réchauffe, resplendis, sois beau ! Bravo, bon Dieu ! Ah ! jamais la saison ne nous fait banqueroute. L'aube passe en semant des roses sur sa route. Flamme ! ombre ! tout est plein de ténèbres et d'yeux ; Tout est mystérieux et tout est radieux ; Qu'est-ce que l'alcyon cherche dans les tempêtes ? L'amour ; l'antre et le nid ayant les mêmes fêtes, Je ne vois pas pourquoi l'homme serait honteux De ce que les lions pensifs ont devant eux, De l'amour, de l'hymen sacré, de toi, nature ! Tout cachot aboutit à la même ouverture, La vie ; et toute chaîne, à travers nos douleurs, Commence par l'airain et finit par les fleurs. C'est pourquoi nous avons d'abord la haine infâme, La guerre, les tourments, les fléaux, puis la femme, La nuit n'ayant pour but que d'amener le jour. Dieu n'a fait l'univers que pour faire l'amour. Toujours, comme un poète aime, comme les sages N'ont pas deux vérités et n'ont pas deux visages, J'ai laissé la beauté, fier et suprême attrait, Vaincre, et faire de moi tout ce qu'elle voudrait ; Je n'ai pas plus caché devant la femme nue Mes transports, que devant l'étoile sous la nue Et devant la blancheur du cygne sur les eaux. Car dans l'azur sans fond les plus profonds oiseaux Chantent le même chant, et ce chant, c'est la vie. Sois puissant, je te plains ; sois aimé, je t'envie. Victor HUGO (1802-1885) A une jeune fille Vous qui ne savez pas combien l'enfance est belle, Enfant ! n'enviez point notre âge de douleurs, Où le coeur tour à tour est esclave et rebelle, Où le rire est souvent plus triste que vos pleurs. Votre âge insouciant est si doux qu'on l'oublie ! Il passe, comme un souffle au vaste champ des airs, Comme une voix joyeuse en fuyant affaiblie, Comme un alcyon sur les mers. Oh ! ne vous hâtez point de mûrir vos pensées ! Jouissez du matin, jouissez du printemps ; Vos heures sont des fleurs l'une à l'autre enlacées ; Ne les effeuillez pas plus vite que le temps. Laissez venir les ans ! Le destin vous dévoue, Comme nous, aux regrets, à la fausse amitié, A ces maux sans espoir que l'orgueil désavoue, A ces plaisirs qui font pitié. Riez pourtant ! du sort ignorez la puissance Riez ! n'attristez pas votre front gracieux, Votre oeil d'azur, miroir de paix et d'innocence, Qui révèle votre âme et réfléchit les cieux ! Victor HUGO (1802-1885) Dans la forêt De quoi parlait le vent ? De quoi tremblaient les branches ? Était-ce, en ce doux mois des nids et des pervenches, Parce que les oiseaux couraient dans les glaïeuls, Ou parce qu'elle et moi nous étions là tout seuls ? Elle hésitait. Pourquoi ? Soleil, azur, rosées, Aurore ! Nous tâchions d'aller, pleins de pensées, Elle vers la campagne et moi vers la forêt. Chacun de son côté tirait l'autre, et, discret, Je la suivais d'abord, puis, à son tour docile, Elle venait, ainsi qu'autrefois en Sicile Faisaient Flore et Moschus, Théocrite et Lydé. Comme elle ne m'avait jamais rien accordé, Je riais, car le mieux c'est de tâcher de rire Lorsqu'on veut prendre une âme et qu'on ne sait que dire ; J'étais le plus heureux des hommes, je souffrais. Que la mousse est épaisse au fond des antres frais ! Par instants un éclair jaillissait de notre âme ; Elle balbutiait : Monsieur... et moi : Madame. Et nous restions pensifs, muets, vaincus, vainqueurs, Après cette clarté faite dans nos deux coeurs. Une source disait des choses sous un saule ; Je n'avais encor vu qu'un peu de son épaule, Je ne sais plus comment et je ne sais plus où ; Oh ! le profond printemps, comme cela rend fou ! L'audace des moineaux sous les feuilles obscures, Les papillons, l'abeille en quête, les piqûres, Les soupirs, ressemblaient à de vagues essais, Et j'avais peur, sentant que je m'enhardissais. Il est certain que c'est une action étrange D'errer dans l'ombre au point de cesser d'être un ange, Et que l'herbe était douce, et qu'il est fabuleux D'oser presser le bras d'une femme aux yeux bleus. Nous nous sentions glisser vaguement sur la pente De l'idylle où l'amour traître et divin serpente, Et qui mène, à travers on ne sait quel jardin, Souvent à l'enfer, mais en passant par l'éden. Le printemps laisse faire, il permet, rien ne bouge. Nous marchions, elle était rose, et devenait rouge, Et je ne savais rien, tremblant de mon succès, Sinon qu'elle pensait à ce que je pensais. Pâle, je prononçais des noms, Béatrix, Dante ; Sa guimpe s'entrouvrait, et ma prunelle ardente Brillait, car l'amoureux contient un curieux. Viens ! dis-je... - Et pourquoi pas, ô bois mystérieux ? 3 avril 1874 Victor HUGO (1802-1885) Est-il jour ? Est-il nuit ? horreur crépusculaire ! Est-il jour ? Est-il nuit ? horreur crépusculaire ! Toute l'ombre est livrée à l'immense colère. Coups de foudre, bruits sourds. Pâles, nous écoutons. Le supplice imbécile et noir frappe à tâtons. Rien de divin ne luit. Rien d'humain ne surnage. Le hasard formidable erre dans le carnage, Et mitraille un troupeau de vaincus, sans savoir S'ils croyaient faire un crime ou remplir un devoir. L'ombre engloutit Babel jusqu'aux plus hauts étages. Des bandits ont tué soixante-quatre otages, On réplique en tuant six mille prisonniers. On pleure les premiers, on raille les derniers. Le vent qui souffle a presque éteint cette veilleuse, La conscience. Ô nuit ! brume ! heure périlleuse ! Les exterminateurs semblent doux, leur fureur Plaît, et celui qui dit : Pardonnez ! fait horreur. Ici l'armée et là le peuple ; c'est la France Qui saigne ; et l'ignorance égorge l'ignorance. Le droit tombe. Excepté Caïn, rien n'est debout. Une sorte de crime épars flotte sur tout. L'innocent paraît noir tant cette ombre le couvre. L'un a brûlé le Louvre. Hein ? Qu'est-ce que le Louvre ? Il ne le savait pas. L'autre, horribles exploits, Fusille devant lui, stupide. Où sont les lois ? Les ténèbres avec leurs sombres soeurs, les flammes, Ont pris Paris, ont pris les coeurs, ont pris les âmes. Je tue et ne vois pas. Je meurs et ne sais rien. Tous mêlés, l'enfant blond, l'affreux galérien, Pères, fils, jeunes, vieux, le démon avec l'ange, L'homme de la pensée et l'homme de la fange, Dans on ne sait quel gouffre expirent à la fois. Dans l'effrayant brasier sait-on de quelles voix Se compose le cri du boeuf d'airain qui beugle ? La mort sourde, ô terreur, fauche la foule aveugle.
Contribution le : 13/12/2012 11:32
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Invité | 0 #15 |
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FantômeInvité
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Citation :
Je ne peux qu'approuver , Nerval , c'est très bon J'adore Le Christ aux Oliviers , de Nerval : I Quand le Seigneur, levant au ciel ses maigres bras Sous les arbres sacrés, comme font les poètes, Se fut longtemps perdu dans ses douleurs muettes, Et se jugea trahi par des amis ingrats ; Il se tourna vers ceux qui l'attendaient en bas Rêvant d'être des rois, des sages, des prophètes... Mais engourdis, perdus dans le sommeil des bêtes, Et se prit à crier : "Non, Dieu n'existe pas !" Ils dormaient. "Mes amis, savez-vous la nouvelle ? J'ai touché de mon front à la voûte éternelle ; Je suis sanglant, brisé, souffrant pour bien des jours ! "Frères, je vous trompais. Abîme ! abîme ! abîme ! Le dieu manque à l'autel où je suis la victime... Dieu n'est pas ! Dieu n'est plus !" Mais ils dormaient toujours !... II Il reprit : "Tout est mort ! J'ai parcouru les mondes ; Et j'ai perdu mon vol dans leurs chemins lactés, Aussi loin que la vie, en ses veines fécondes, Répand des sables d'or et des flots argentés : "Partout le sol désert côtoyé par des ondes, Des tourbillons confus d'océans agités... Un souffle vague émeut les sphères vagabondes, Mais nul esprit n'existe en ces immensités. "En cherchant l'oeil de Dieu, je n'ai vu qu'une orbite Vaste, noire et sans fond, d'où la nuit qui l'habite Rayonne sur le monde et s'épaissit toujours ; "Un arc-en-ciel étrange entoure ce puits sombre, Seuil de l'ancien chaos dont le néant est l'ombre, Spirale engloutissant les Mondes et les jours ! III "Immobile Destin, muette sentinelle, Froide Nécessité !... Hasard qui, t'avançant Parmi les mondes morts sous la neige éternelle, Refroidis, par degrés, l'univers pâlissant, "Sais-tu ce que tu fais, puissance originelle, De tes soleils éteints, l'un l'autre se froissant... Es-tu sûr de transmettre une haleine immortelle, Entre un monde qui meurt et l'autre renaissant ?... "O mon père ! est-ce toi que je sens en moi-même ? As-tu pouvoir de vivre et de vaincre la mort ? Aurais-tu succombé sous un dernier effort "De cet ange des nuits que frappa l'anathème ?... Car je me sens tout seul à pleurer et souffrir, Hélas ! et, si je meurs, c'est que tout va mourir !" IV Nul n'entendait gémir l'éternelle victime, Livrant au monde en vain tout son coeur épanché ; Mais prêt à défaillir et sans force penché, Il appela le seul - éveillé dans Solyme : "Judas ! lui cria-t-il, tu sais ce qu'on m'estime, Hâte-toi de me vendre, et finis ce marché : Je suis souffrant, ami ! sur la terre couché... Viens ! ô toi qui, du moins, as la force du crime!" Mais Judas s'en allait, mécontent et pensif, Se trouvant mal payé, plein d'un remords si vif Qu'il lisait ses noirceurs sur tous les murs écrites... Enfin Pilate seul, qui veillait pour César, Sentant quelque pitié, se tourna par hasard : "Allez chercher ce fou !" dit-il aux satellites. V C'était bien lui, ce fou, cet insensé sublime... Cet Icare oublié qui remontait les cieux, Ce Phaéton perdu sous la foudre des dieux, Ce bel Atys meurtri que Cybèle ranime ! L'augure interrogeait le flanc de la victime, La terre s'enivrait de ce sang précieux... L'univers étourdi penchait sur ses essieux, Et l'Olympe un instant chancela vers l'abîme. "Réponds ! criait César à Jupiter Ammon, Quel est ce nouveau dieu qu'on impose à la terre ? Et si ce n'est un dieu, c'est au moins un démon..." Mais l'oracle invoqué pour jamais dut se taire ; Un seul pouvait au monde expliquer ce mystère : - Celui qui donna l'âme aux enfants du limon.
Contribution le : 13/12/2012 18:09
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Wiliwilliam | 0 #16 |
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La loi c'est moi
Inscrit: 07/04/2012 19:19
Post(s): 38225
Karma: 18959 |
Citation :
Contribution le : 15/12/2012 12:02
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Invité | 0 #17 |
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FantômeInvité
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Citation :
C'est peut-être un manque de culture qui te fait dire ça. Je kiffe bien "L'Epiation" de Hugo et "Mignonne, allons voir si la rose" de Ronsard.
Contribution le : 16/12/2012 23:14
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Velvet_Vampire | 0 #18 |
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Inscrit: 09/01/2010 11:58
Post(s): 303
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Villon, avec son épitaphe ou la ballade des pendus (juste un extrait):
La pluie nous a débués et lavés, Et le soleil desséchés et noircis ; Pies, corbeaux, nous ont les yeux cavés, Et arraché la barbe et les sourcils. Jamais nul temps nous ne sommes assis ; Puis ça, puis là, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charrie, Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre. Ne soyez donc de notre confrérie ; Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
Contribution le : 24/12/2012 13:54
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