Il libère un requin d'une ligne de pêche

L'ORNITHORYNQUE

Je suis terrien, sans être thérien ;
Je suis terrestre puis aquatique,
D'un genre presque fantastique,
Une chimère aux allures de rien.
Mais quelle est donc cette plaisanterie ?
Simplement un être des plus rares,
Un mammifère, un ovipare,
Seuls monotrèmes de la série.

REF1
Queue de castor ! Bec de canard !
Auriez-vous bien du mal à croire
L'improbable récit que je vous narre,
Ou me manquerait-il un tiroir ?

Méconnu aisément reconnaissable,
Je sors plus volontiers quand le soleil se couche.
Mais malheur au malveillant qui me touche,
Mon aiguillon me constitue insaisissable.
Et sous l'eau, aveugle et sourd,
Quand ton muscle s'électrise,
A ma manière je te localise :
Je te sens vibrer comme en plein jour.

REF2
Queue de castor ! Bec de canard !
Ainsi me vois-je dans le miroir,
Avec cette pelisse comme avatar,
Sortie de je ne sais quel ouvroir.

Cette nouvelle peau se veut ancienne,
Peau ancestrale d'un farouche animal,
D'un arriéré qui a tout d'original,
Emblème d'une philosophie qui est mienne.
Hurler sur le toit du monde ma différence,
Lui ressembler, le devenir en somme,
Pour ne jamais plus être semblable à l'homme
Et ne plus percevoir que par mon sixième sens.

REF FINAL
Queue de castor ! D'un saut de l'ange,
Je plongerais dans l'abysse humain,
Aveugle et sourd au sein de la fange,
Je m'évaderais vers d'autres lendemains !
Bec de canard ! Assis à ce comptoir,
C'est doux rêveur que, seul, je trinque
Au pouvoir de me mouvoir dans ce mouroir,
Tel un sublime ornithorynque.