Vassili44 | 0 #41 |
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Je suis accro
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@alfosynchro,
Bien vu ! En fait, dans mon histoire, je ne supporte pas avoir ça en moi, ce que l'on m'a fait, donc oui y'a un intérêt à aller au fond des choses pour m'en débarrasser. En fait, j'ai passé ma vie à avoir peur que ce que je vis là m'arrive. J'ai fait des choix (ou disons qu'on me les a fait faire), des médicaments par deux fois alors que j'aurais eu l'occasion, dans ma vie, de revivre des choses et de m'en débarrasser. Une partie de ma vie a été gâché par ça. Par exemple, vers 26/27 ans, je suis revenu chez mes parents (contraint), je commence à ruminer, ruminer, à tel point que je suis au bord du délire. Et, les psys, au lieu de me dire "Vous êtes en colère contre votre père et vous n'arrivez plus à contenir cette colère, on va travailler là-dessus", ils me donnent un médicament (qui me fait prendre 30 kilos par ailleurs) et hop, cette colère va dans la case "refoulement" et quasi 15 ans plus tard elle est en partie encore là. Donc c'est clair que d'un point de vue externe, ne pas faire certains choix comme le médicament (bon j'en ai aussi la phobie), semble être une souffrance inutile, mais pas pour moi. De plus, vivre ma vie entière dans la peur, ou à côté de ma vie parce qu'il faut éviter mes peurs, ce n'est plus possible pour moi. Quand ma copine me disait "prends des médicaments", je lui rappelais que j'en avais la phobie absolue et je lui disais "De toute façon, je préfère mourir que refouler", parce que je ne veux pas vivre à côté de ma vie, car ce n'est que l'apparence de vie, mais ce n'est pas MA vie que je vis, c'est la vie que l'on a fait de moi. Supposons que mon rêve absolu est de faire un métier en rapport avec les chiens, que c'est la seule chose qui pourrait me rendre un tant soit peu bien ou heureux dans la vie, mais que mes parents ont fait en sorte que j'avais peur des chiens. Alors, je vais essayer de me libérer de la peur des chiens pour vivre ma vie au lieu d'éviter la peur et passer à coté d'un métier qui me rendrait bien ou d'une passion. C'est vrai que je considère que, bien que ce que je vis est extrême, c'est aussi un luxe de pouvoir le vivre. Car combien de personnes ne pourront pas faire table rase de leur passé ? La femme de SOS Suicide me disait que l'on ne pouvait pas effacer comme ça ses traumatismes, et dans ma tête je me disais "Tu ne sais pas grand-chose de tout ça...". Il ne s'agit pas d'effacer le souvenir, mais on peut enlever le déclencheur, faire en sorte que ce que l'on a vécu ne nous provoque pas les symptômes associés au traumatisme. C'est quelque chose que j'ai fait des centaines de fois, donc je peux garantir que ça fonctionne, et quiconque arrive à parler de la mort d'un proche, un jour, sans tomber en sanglots a aussi fait l'expérience de ce que je raconte, on peut garder un souvenir, mais la douleur s'estompe, parfois jusqu'à ne plus exister pour certains évènements. C'est ce vers quoi je vais, que je le veuille ou non d'ailleurs. Je crois que c'est aussi une véritable chance. Je ne sais pas cela dit si j'arriverais à vivre dans ma vie. Peut-être qu'il est trop tard. Mais j'ose croire que non.. Je parlais justement à Sebmagic de cette "double voix", cette voix contradictoire, (il y en a plusieurs en fait) ; il y a aussi celle qui croit que ce que je vis, spirituellement du moins, a une dimension très profonde et ça se retrouve aussi dans le choix de mes mots, où je mélange chance avec des épisodes malheureux, en disant souvent (faisant référence à un texte de sagesse) "Chance ou malchance ?" qui est devenu un leitmotiv, car qui peut dire si ce que je vis est un malheur ou bien une chance ? Cette vision des choses m'a beaucoup aidé à supporter l'insupportable. ---- Pour le reste de ce que tu as écrit, c'est vraiment beau, bien décrit. Merci ! Le traumatisme peut créer aussi de véritable souffrance au cerveau, (si l'on ne parle que du cerveau), avec tout un tas de sensations difficiles à décrire, des chocs électriques dans la tête, des maux de tête (il y a plusieurs façons d'avoir mal à la tête), comme le cerveau pris en étau, des aiguilles qui semblent triturer le cerveau, des sortes de "contractions" du cerveau etc., etc. Difficile à imaginer, mais ce sont des douleurs qui ne sont pas que physiques, ce sont des souffrances morales que le cerveau subit, aussi étrange que cela puisse paraitre. J'ai réussi à guérir de pas mal de traumatismes liés à mon passé - je dis "guérir" car le souvenir ne me fait plus rien, ce qui veut dire que le souvenir a été intégré, il appartient au passé, il ne continue pas dans le présent et mon corps n'y réagit plus, ni moi. C'est difficile à dire encore de quoi j'ai guéri, car je n'ai pas pris la peine de regarder tout ça, puisque je suis encore dedans... Mais pour te dire comment je guéris de ça, c'est assez "simple", il faut que ce soit celui qui a vécu l'évènement qui s'exprime, pas celui qui vit là, aujourd'hui. S'il se sent en sécurité, s'il le peut, il s'exprimera comme il aurait voulu le faire à l'époque, avec beaucoup d'émotions, de la colère en premier, s'il y a de la colère, puis de la tristesse (la tristesse arrive en dernier). C'est assez beau à voir (je trouve), malgré la souffrance. Si l'on filmait la scène, en supposant que tout se résolve en une fois (ce qui n'arrive jamais pour des traumatismes graves), mais même si c'est par petits bouts, on pourrait voir ceci : la personne est centrée sur elle-même, prostrée, apeurée au souvenir évoqué, voire affolée et même terrifiée. Elle peut simplement être agitée, en colère, prête à exploser. Quoi qu'il en soit, elle vit des émotions intenses voire extrêmes. Tout explose soudain, que ce soit de la colère et des sanglots, s'il y a de la colère, les sanglots suivront. Le corps se met en mouvement, il s'effondre sur le sol, ou bien il semble se projeter vers l'avant (colère) et c'est très beau à voir, car c'est un corps qui vit, aussi douloureux que cela puisse être (à assister). La personne reste néanmoins très centrée sur ce qui lui arrive, comme focalisée. Elle regarde soit vers le bas (tristesse) soit vers l'autre (colère ou de droite à gauche en marchant souvent si la colère ne trouve pas de chemin). Puis à la fin, puisque c'est la tristesse qui est là, la personne regarde autour d'elle, comme si elle découvrait un monde nouveau, comme si elle semblait découvrir la pièce. C'est un beau moment. C'est comme un éveil. Peter Levine parlait de ce moment précis, il lui donne un nom, je ne sais plus lequel. Et je l'ai toujours remarqué. Désolé, c'est ultra théorique ce que je te dis, mais la passion souvent chez moi l'emporte sur la retenue. Content si tu vas mieux. ----- C'est vrai que c'est dur d'avoir des personnes qui nous retiennent. Enfin, on pourrait penser qu'au contraire, c'est mieux, mais ça dépend de qui nous retient, de la relation que l'on a avec ces personnes. J'ai ma copine qui me retient principalement, mais je crois que je suis plus un poids pour elle qu'autre chose, même si elle me démentirait énergiquement ; j'ai un ami qui combat un cancer et pour qui je compte beaucoup. Je sais que ça pourrait, non pas le faire plonger, mais en tout cas... euh... ça ne l'aiderait pas, c'est sûr. Je me dis parfois que peut-être sommes-nous déjà morts, condamnés, mais nous ne le savons pas, car comme des gens dans le coma, on peut être maintenu en vie de façon artificielle, et parfois ces artifices lâchent et nous nous laissons aller à notre destin, qui aurait dû être accompli déjà depuis longtemps. Je pense à JCM77 en écrivant ça, mais ce que j'écris est un peu sombre pour l'amener à le lire..
Contribution le : 16/11 21:11:18
Edité par Vassili44 sur 17/11/2024 15:59:55
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Sebmagic | 0 #42 |
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Tu as le sentiment que personne ne fait rien pour toi ?
Contribution le : 16/11 21:28:48
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JCM77 | 0 #43 |
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@Sebmagic exactement... En tout cas pas au point de rester en vie contre sa volonté. Pas au point de sacrifier sa mort.
Contribution le : 16/11 21:34:18
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Loom- | 0 #44 |
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Je poste trop
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D'accord , merci pour être ouvert sur ce sujet.
Contribution le : 17/11 12:27:26
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Merci à Sebmagic et Baba Yaga. |
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Tarkheena | 1 #45 |
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Je viens d'arriver
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Quand j'étais plus jeune, genre mi-vingtaine par là (j'ai fait une pause de plusieurs années entre master et doctorat), j'm'étais investi à fond dans le bouddhisme. Genre vraiment à fond. Au total j'ai dû passer à peu près deux ans dans des monastères en Thaïlande, dans la tradition dite des "bonzes de la forêt" (ça me fait toujours rire ce nom ^^). Pas d'un seul coup, mais genre j'bossais en France, j'mettais tout de côté, puis j'partais pendant 3 ou 4 mois là-bas, puis j'revenais en France bosser, et rebelotte.
Du coup forcément y'avait toute cette philosophie de karma, de transmigration d'une vie à une autre, etc. Et bref, à un moment j'ai commencé à avoir des "souvenirs" d'une vie qui n'était pas la mienne. D'un autre lieu, d'un autre temps. Assez chelou comme impression. Qualitativement ça ressemblait exactement à un souvenir. Genre un facteur externe, une odeur, un geste familier, etc. et tout d'un coup ça t'évoque autre chose que t'as vécu, ou du moins que tu penses avoir vécu. Tu "revis" certaines scènes, tu te "rappelles" de certains noms, etc. Ca a duré quelques mois comme ça. J'vivais ma vie tranquillement en France comme d'hab, avec ces espèces de flash de souvenirs que je ne reconnaissais pas (et qu'en même temps je reconnaissais...). Très déroutant. J'ai fini par mettre ça dans une case "je ne me l'explique pas, et de toutes façons c'est pas bien important". Genre agnostique sur le sujet et ça sert à rien d'en faire tout un foin, mais j'suis quand même content que ça ait fini par s'arrêter ^^ D'ailleurs si j'essayais d'en conclure quelque chose...bah en vrai j'saurai pas trop quoi dire. Soit j'dois me dire que qualitativement chez moi il n'y a aucune différence entre souvenir et fiction. En quel cas...bah ça sert à rien d'avoir peur de perdre ses souvenirs puisque de toutes façons y'en a probablement pas mal dans le lot qui sont fictifs. Ou alors j'dois me dire qu'ils ont raison sur toutes ces histoires de transmigration, en quel cas ça sert à rien d'avoir peur de perdre ses souvenirs puisqu'apparemment ça peut revenir plus tard lol ^^ Du coup perso les souvenirs, non j'y accorde pas trop d'importance. J'dirai même que j'm'en méfie un peu. Par contre, comme ça parle de suicide, ça va être un peu hors sujet mais pour ce que ça vaut: perso j'me situe en porte-à-faux par rapport aux discours actuels sur les mérites thérapeutiques de la méditation. Enfin ça dépend de ce qu'on entend par "méditation". Si ça veut juste dire poser son cul 20 minutes le matin et mater son pif, oui bon, j'vois pas trop à quoi ça sert mais bon, pourquoi pas. En tt cas j'pense pas que ça puisse faire de mal et si les psys disent que ça peut avoir certains mérites, pourquoi pas. Par contre, quand on commence à vraiment se lancer dans les pratiques bouddhistes, là pour le coup non quoi. Faut mettre une grosse pancarte rouge "DANGER". Non parce qu'en vrai j'en ai vu des gens comme ça. Ils commencent à méditer parce que le psy leur a dit que, puis ils se posent la question de savoir d'où ça vient cette pratique, puis ils commencent à s'intéresser au bouddhisme, puis ils finissent par être complètement dépassés par une philosophie qu'ils ne sont pas du tout en position d'intérioriser, et ça ne fait qu'aggraver les troubles dont ils souffraient déjà. Donc perso moi les Christophe André et autres, c'est non quoi. Ils jouent à un jeu franchement dangereux. Bref, à bon entendeur.
Contribution le : 17/11 18:27:28
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alfosynchro | 2 #46 |
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Inscrit: 05/06/2011 12:08
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@Tarkheena
Pendant quelques années (peut-être depuis début 2015) j'ai fréquenté une association qui tient des séances de méditation d'inspiration bouddhiste tous les dimanche matin (ça change de la messe ). Bon, normalement la méditation ça se pratique au moins quotidiennement, mais je ne pratiquais que le dimanche matin ; je n'arrive pas seul chez moi. Et puis j'ai fini par lâcher début 2023 parce que ça ne faisait plus sens, pour moi, de rester assis sur une chaise (je n'arrive pas à tenir en tailleur) pendant plus d'une heure, de chanter plus ou moins bien des mantras que je ne comprenais pas, etc. Le truc sympa, c'était les autres membres, bienveillants, on buvait le thé après la séance... Mais je pense qu'on était nombreux à être là pour venir chercher quelque chose, à être en attente, pour aller mieux. Puis on dédiait la séance à ceux qui souffrent dans le monde, aux âmes des défunts, pour qu'il y ait moins de négatif dans le monde... Je pense que malgré le nombre d'années de pratiques de certains, et ma faible propre expérience, on ne se situait pas comme il faut. On focalisait trop sur les aspects négatifs de l'existence et nous maintenions donc dans un état de non accomplissement. Je serais plus pour être dans l'affirmation du positif, dans la proposition, dans l'offrande que dans l'attente. Tu me diras peut-être : "à quoi bon si je ne pratique pas ?" Je reconnais que je suis donc plus dans le discours que dans l'application, mais ce que je veux dire par là, c'est que je pense que la méditation est effectivement bonne pour la santé mentale, mais à condition de ne pas l'utiliser pour confirmer le négatif. Il me semble que se concentrer trop sur le négatif du monde et de la vie, c'est comme donner plus de lumière aux mauvaises plantes alors qu'on voudrait faire pousser d'autres plantes...
Contribution le : 17/11 19:08:25
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Arsenick | 1 #47 |
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Bizarrement je ne le fait pas pour les autres, égoïstement je le fait pour moi : quand tu es au fond du trou, tu as du mal à voir la lumière et te rappeler que le monde ne se résume pas au fond du trou est déjà un pas pour en sortir. S'en sortir ne dépends de personne, cela ne dépends que de la volonté de s'en sortir, de mettre en place des choses dans ce sens (soutien psy etc) et de se rendre compte que la plupart de nos refuges sont des tombeaux. Et oui cela demande de remettre des années de fonctionnement dans la balance et oui c'est difficile et oui cela demande une énergie considérable. Mon propos est dur mais tu n'es pas le seul à te sentir tout seul dans le noir, a rester la à subir jusqu'à ce que ton propre thorax t'écrase et à croire que personne ne te tendra la main pour avancer, c'est commun à tous les dépressifs. Je m'en suis sorti et je suis loin d'être une personne exceptionnelle donc si j'y suis arriver, il n'y a pas de raison que d'autre n'y arrive pas. Quand à savoir ce que les autres font pour toi? tu sais ce que c'est que vivre avec un dépressif? ne jamais savoir si il va réellement rentrer, craindre le moindre coup de téléphone potentiellement annonciateur d'une (très) mauvais nouvelle. Tes proches sont plus que probablement présent, c'est déjà faire quelque chose en soit même si on a du mal à le voir. Je pense franchement que tu as besoin de l'aide d'un(e) professionnel mais fait toi accompagner au retour, les premières séances sont physiquement éprouvante et moralement épuisante. OrelSan - Jour meilleur (Lyrics/Paroles)
Contribution le : 18/11 12:11:02
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Stock_a_sticks | 1 #48 |
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Je viens d'arriver
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En ce qui concerne le jugement de valeur associé au suicide, je pense que c'est beaucoup plus compliqué qu'une simple forme d'ignorance. Une personne peut considérer le suicide comme un acte lâche tout en ayant envie de se donner la mort, sans jamais passer à l'acte. On peut présenter cela sous la forme d'un problème logique à résoudre. Acceptons les prémisses suivantes. Soit humain A, une personne qui : - ressent parfois l'envie de mourir - ne passe jamais à l'acte - pense que le suicide est une forme de lâcheté Le problème posé : pourquoi humain A ne parvient-il pas à passer à l'acte alors qu'il en ressent l'envie ? Deux solutions principales (on peut en imaginer d'autres) envisageables : - le suicide est un acte de lâcheté, il en résulte qu'il ne peut pas se suicider - il ne parvient pas à passer à l'acte, par conséquent (et peut-être inconsciemment) il en vient à penser que le suicide est une forme de lâcheté Deux solutions opposées donc, qui donnent deux visions différentes du schéma mental de humain A à propos du suicide. Si on pense le suicide de manière binaire, je crois qu'on passe à côté de beaucoup de choses. Et d'une manière générale, si on pense le monde et les humains de manière binaire, on passe à côté de beaucoup de choses. ça me fait penser à une chanson des Wriggles : Citation :
C'est intéressant aussi la nuance que tu apportes toi-même à tes propres expériences dépressives. Tu dis qu'il y a différents degrés et que l'échelle de la souffrance varie en fonction de ta seule expérience, de ta seule subjectivité du moment vécu. Tu admets donc que toi-même, tu en parles alors que potentiellement, tu ne peux pas affirmer avoir atteint l'état de souffrance maximal. Car peut-être que la prochaine expérience fera paraître le 2/10 comme un 0.2/10, le 9/10 comme un 0.9/10 et la nouvelle expérience comme un 8/10. Donc, en quelque sorte, tu admets être toi-même incapable de dire "je connais" puisqu'il est toujours potentiellement envisageable de vivre un épisode "pire" que la dernière fois. Et pourtant, tu parles quand même de "ceux qui savent" ! Mais pourquoi donc "ceux qui savent" ne seraient-ils réellement pas capables d'en parler ? Je crois, une fois encore, que cela dépend de la perception de la situation. Je ne suis pas d'accord quand tu parles de frustration d'entendre quelqu'un qui dit "je connais". Enfin, je ne remets pas en question cette impression que tu as eue puisque si tu la ressens de cette manière, c'est que c'est vrai pour toi. Mais je souhaite la tempérer. Selon la manière dont ce "je connais" est amené et développé, on peut aussi, à l'inverse, entendre un propos qui nous marque positivement parce qu'on ressent le fait que l'autre comprend réellement de quoi on parle, même si les échelles d'intensité et les manières de vivre l'épisode dépressif ne sont pas les mêmes. La dépression étant notamment une forme d'isolement extrême (humain, social, émotionnel, mental, intellectuel), entendre quelqu'un te dire "je connais" et tenir des propos qui ont du sens pour toi, c'est aussi une ouverture à une sorte de réassurance. C'est aussi la possibilité de voir apparaître une branche à laquelle se raccrocher. Cela ne signifie pas forcément que cette branche va nous sortir de l'abysse de désespoir qui nous piège. Bien sûr, dans les épisodes dépressifs, il y a toujours un moment durant lequel on est au plus mal, et donc tout paraît vain, creux, indicible. Les tentatives des autres pour nous en sortir ou pour nous apporter une quelconque forme de réconfort paraissent futiles. Mais ce moment, quoique terrible, n'est pas éternel. Je trouve très forte et (paradoxalement) très parlante ta manière de décrire la dépression : une souffrance extrême et muette, affreusement muette. C'est bien dit. J'ai personnellement tendance à parler de souffrance indicible, mais muette est encore plus expressif et plus fidèle à ce que l'on ressent quand l'abîme nous engloutit. Aussi, la description que tu fais à Swe_33 est éloquente ! Tu dis que cette souffrance est indicible, pourtant tant de passages descriptifs illustrent très bien ce qui te traverse : Citation :
C'est expressif, très fort, et de mon point de vue particulièrement bien décrit. Chaque personne et chaque épisode dépressif est différent, mais c'est quand même bien résumé. Il y a presque tout, j'ajouterais et j'insisterais sur l'impression d'un grand vide, d'une vaste inanité à tout ce qui existe. Je ne sais pas trop pourquoi, mais j'ai aussi eu ces paroles de chanson en tête pendant que je vous lisais et que je répondais à Vassili. Citation : Mc Solaar, Si je meurs ce soir
Contribution le : Hier 20:51:46
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Vassili44 | 0 #49 |
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Je suis accro
Inscrit: 06/08/2020 02:22
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@Stock_a_sticks,
Merci pour ton message tout d'abord. En fait, je pense que "vouloir se donner la mort" ne veut pas dire connaitre une souffrance telle que les questions morales ne peuvent plus exister. Même le cerveau ne peut plus raisonner face à un degré trop grand de souffrance. Dans ces moments-là on bascule dans le trauma pur et dur et des IRM montre que le préfrontal est déconnecté. Si l'on peut encore réfléchir au sens de son acte, c'est qu'on se trouve encore dans un degré de souffrance le permettant. C'est pour ça que je parle d'ignorance, car soit la personne ignore cette souffrance, soit elle l'a vécu et l'a oublié, donc c'est encore une forme d'ignorance. Je n'aurais pas dit ça, ou pas de façon aussi catégorique y'a quelques mois. Mais là, je peux le dire (alors que y'a des gens qui souffrent bien plus que moi et sur des périodes bien plus longues), puisque j'ai connu ces moments de souffrances telles que ça en devient traumatisant, clairement. Dans ces périodes, on ne peut plus raisonner. On ne peut donc pas agir par lâcheté, car pour être lâche, il faut pouvoir raisonner... Quand la raison est altérée à ce point (par la souffrance), on ne peut plus parler de lâcheté car ça n'a plus de sens du tout. Voilà pourquoi je parle d'ignorance. Alors quand je parle de "ceux qui savent", je pense vraiment qu'il y a des expériences que l'on connait et d'autres que l'on ne connait pas. Tout ceci apporte forcément de la nuance à nos propres souffrances, ou en apporterait si l'on savait. Mais il y a toutefois un savoir minimal, comme je le dis plus haut, un savoir à partir duquel on "sait" que l'on ne peut plus raisonner à partir d'un certain seuil de souffrance. Sauf pour diverses raisons que je ne m'explique pas (je ne cherche pas à les comprendre pour l'heure), ce savoir ne s'oublie pas. Si j'étais en forme, je pourrais étayer rien que sur la notion de lâcheté, d'un point de vue moral, mais je suis rarement en forme pour le faire, alors que tu es le type de personne avec qui j'aimerais approfondir pourtant. Là mes idées sont confuses la plupart du temps. Ce qui me gêne quand on me dit "je connais" pour parler de ce que je ressens, de ce que j'ai vécu, c'est que je sais (j'en suis sûr à 3 000%) que l'autre ne connait absolument pas ce que j'ai vécu et s'il pouvait lire ce que j'ai vécu, il me dirait "Ah oui, mais ça n'a rien à voir ce que j'ai vécu". Alors, ce n'est pas pour minimiser sa souffrance, c'est plus pour remettre les choses dans leur contexte. Bien sûr, j'aimerais que mon expérience soit unique, non par un orgueil bizarrement placé, mais parce que ça me fait mal, affreusement mal, de me dire que des gens vivent ça et sûrement bien pire... C'est intolérable pour moi. La plupart du temps, je n'arrive plus à penser aux autres cela dit... Quand je dis que ce que je vis est indicible, ce n'est pas que je ne puis pas en parler, mais c'est que même quand j'écris ce que j'ai écrit (en réponse à Swe_33), je trouve ça ridiculement très loin de la réalité de ce que je vis. Comme si, plus j'essayais de le décrire et plus je m'en éloignais, car l'autre peut se dire "Ah je vois ce qu'il vit" alors qu'en fait absolument pas. C'est presque pire que de dire "Je ne peux rien en dire tellement c'est horrible !" parce que parfois, cacher c'est montrer avec plus de force que tenter de décrire ce que l'on voit. Par contre, s'il me venait un jour l'idée d'écrire sur ce que j'ai vécu, ce serait un sacré challenge parce que la forme devrait répondre au fond. Je ne pourrais pas me contenter de décrire ce que je vis à un moment donné, je devrais placer ce moment dans son contexte pour que le lecteur comprenne pourquoi j'ai été si frappé par ce que j'ai vécu, car ce que je vis n'est quasi que rappel de mon passé. Sans ce passé, on ne peut comprendre la profondeur de ma frayeur, de mon désespoir etc.
Contribution le : Hier 22:32:30
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Stock_a_sticks | 1 #50 |
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Je viens d'arriver
Inscrit: 01/09/2023 19:42
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@Vassili44
D'accord, c'est plus clair. Selon toi, qu'est-ce qui fait que dans ces moments d'altération de la raison, certaines personnes se donnent la mort, d'autres non ? Si la raison est exclue de l'équation, que reste-t-il qui détermine le geste ?
Contribution le : Hier 22:41:49
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Vassili44 | 0 #51 |
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Je suis accro
Inscrit: 06/08/2020 02:22
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@Stock_a_sticks,
J'ai poursuivi dans mon message car je n'avais pas vu que tout ton message s'adressait à moi (je pensais que tu l'avais divisé en répondant à plusieurs personnes). Merci d'avoir pris ce temps. En fait, ce que je vais te répondre est effroyable, vraiment. Mais ce qui détermine si l'acte va être commis ou pas n'est pas de notre ressort, c'est la souffrance évidemment, le degré de souffrance. Mais ce n'est plus la raison. C'est ça qui m'a le plus choqué dans la dépression, c'est de sentir que peu importe ce que je suis, ce que je pense, ceux que j'aime... tout ce qui m'anime, à un certain degré de souffrance, tout ça n'a strictement plus aucune importance. Ce qui m'a le plus choqué, qui m'a effrayé au point de me paralyser de terreur, c'est de sentir que mon cerveau (ou mon ventre parfois) pouvait, en un claquement de doigts bouger quelque chose (j'avais l'impression qu'un truc bougeait) et changer totalement ma vision du monde en excluant de façon presque absurde, tout ce qui pouvait me donner goût à la vie, toutes mes envies, tous mes espoirs, toute ma force de vie. Ce qui m'a vraiment paralysé de terreur, c'est de me sentir manipulé par une force externe à moi (que je ne maitrisais pas) qui semblait décider que là, à tel moment, tout ce qui faisait que j'étais moi, mes idéaux, tout ce qui m'animait (ou pouvait encore m'animer) s'évanouissait dans la plus totale des impuissances ; alors, je me sentais comme un pantin, incapable de prédictions, du moindre contrôle sur ma propre vie, qui ne semblait plus du tout m'appartenir. Je me sentais glisser dans un gouffre, vers un inévitable destin dont je ne maitrisais plus rien, comme si je n'étais plus maitre de mon propre corps, me donnant l'impression de m'observer agir contre mon gré, ce qui était bien le cas pourtant. Je vivais le déterminisme dans sa plus complète intensité. Je me disais "Je vais mourir", avec la froideur que provoque l'absence totale d'espoir (espoir introuvable de toute façon, disparu où ça ?), comme si je voyais mon destin se dérouler devant moi, comme on peut regarder un film déjà vu en disant "Il va mourir", parce que l'on sait que c'est ce qui va se passer, peu importe ce que l'on pense, peu importe la révolte (si nous pouvions encore l'être), peu importe ce que l'on peut penser (si nous pouvions encore penser), ça VA se passer, nous le savons car nous glissons vers ce destin. On pense que c'est nous qui prenons la décision de nous tuer, alors que pas du tout. C'est ça le pire, je me voyais aller me suicider alors que tout en moi criait "Oh non, je ne veux pas mourir" et je me voyais aller me tuer pourtant ! Qui n'a jamais vécu ce contraste entre sa volonté et ce qui l'anime indépendamment de sa volonté, ne peut véritablement pas comprendre qu'il n'y a pas de lâcheté dans cet acte, puisque ce n'est même pas nous qui agissons. C'est ça qui est aussi terrifiant. Mais aussi de voir que tout d'un coup, le "petit truc" qui a bougé dans le ventre ou le cerveau se remet en place (?) et nous redevenons tout d'un coup maitre à nouveau de nos actes, notre vision du monde redevient "normale" et les pensées reviennent. Nous réintégrons notre corps, mais aussi notre propre identité. Mais la terreur demeure. Alors, je restais aux aguets, pendant plusieurs jours sursautant au moindre bruit, traumatisé par cette expérience, choqué, car je savais qu'un moindre petit mouvement interne pouvait me refaire basculer et qu'encore une fois, je ne pourrais rien faire, ni choisir vers quoi ça me mènera, ni choisir quand ça s'arrêtera, si ça reviendra ou pas. Se savoir si démuni face à cette autre chose qui semble nous maitriser, autre chose dont on ignore l'existence jusqu'à se vivre déposséder de soi à ce point-là, c'est à vous faire croire à des choses surnaturelles si tant est que j'étais porté à croire à ce genre de choses (pour moi, tout ceci ne sont que des mécanismes automatiques du cerveau, des réactions, comme d'autres...). Dans ces moments-là, toute mon énergie va vers la moindre souffrance. Penser devient de l'énergie dépensée pour rien. Je basculais dans la survie. Seules des phrases répétées me venaient en tête "Je vais mourir, je vais mourir", avec des réponses comme "Je ne veux pas mourir, mon Dieu, mon Dieu..." et puis simplement des "Mon Dieu non, Oh non..." et parfois plus rien, juste un regard affolé, qui cherche et qui se fixe sur un point imaginaire, sur du rien, car il n'y a plus rien à faire... La souffrance est comme un trou noir qui avale tout : les mots, les peurs, l'espoir, les pensées, les idées... au bout du compte, il n'y a plus rien. C'est comme si le corps ne devenait plus qu'une machine à fabriquer de la souffrance. Je ne pense pas que tout le monde ait connu ça. Je ne l'avais pas connu avant, alors que j'avais eu des peurs extrêmes, j'avais eu mon lot de souffrances, je disais même avoir vu "l'enfer" et dans un sens, je l'avais vu, puisque j'avais ouvert cette porte - celle d'un monde que j'ai bien eu le temps d'explorer 15 ans plus tard (donc là depuis bientôt 2 ans). Ce que j'y avais vu m'avait effrayé, mais effrayé... et puis le COVID m'a remis dedans et quand j'ai franchi cette porte, je le savais, je le savais. Je marchais de long en large en répétant "Ça aurait pu être évité !" Ça aurait pu être évité !" et parfois je m'arrêtais, je regardais ma copine, d'un regard de fou, ahuri, et je disais "Oh non, oh non !", j'avais envie d'aller vers elle et lui dire "Dis-moi que ce que je vis n'est pas vrai, dis-le-moi ! Dis-le-moi !" tellement j'étais horrifié, car je vis et j'ai vécu ce qui m'a toujours hanté toute ma vie, que j'espérais ne jamais vivre, mais qui était pourtant là, en moi, inévitablement en moi. En vrai, je n'écris pas (dans tout ce que j'écris) pour moi (ou pas que, bien que ça m'apporte énormément, je ne vais pas le cacher), mais aussi pour d'autres, parce que je sais à quel point c'est dur de s'exprimer quand on vit ça. Ce qui aussi nuit à la compréhension, c'est que je ne peux jamais écrire dans le pire, c'est impossible, car la parole est absente des douleurs trop profondes. Elle est est comme le son dans l'espace. Alors, y'a des trous énormes dans tout ce que j'ai vécu, moi qui normalement écrit énormément, tous les jours. C'est même possible que ces moments soient sortis de ma mémoire, comment le savoir ? Peut-être reviendront-ils un jour, comme une salle des miroirs des enfers où l'enfer cache un autre enfer, si les traumatismes deviennent eux-mêmes traumatisants. Je ne sais même pas si je sortirais de tout ça. C'est ma copine qui devrait se taper le sale boulot de la publication... Enfin, elle s'aidera de Chat GPT !
Contribution le : Hier 23:06:56
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